Lancement de l’Espace Numérique de Santé : le dispositif interroge
Actualisation en date du 3 mars 2022
Cet article d’actualité reflète un état des lieux sur le sujet traité à la date de sa publication. L’évolution ultérieure de la situation peut le rendre en tout ou partie caduc.
Le 3 février 2022, le Gouvernement annonçait le lancement officiel de « Mon espace santé », le carnet de santé numérique.
Selon une étude réalisée par OpinionWay, 8 français sur 10 se disent prêts à autoriser l’accès à leurs données médicales aux professionnels de santé dans le cadre de l’Espace Numérique de Santé (ENS). Le rapport ajoute que 85% d’entre eux entendent utiliser la messagerie sécurisée pour communiquer avec les médecins et 78% ont l’intention de se servir du Dossier Médical Partagé.
S’il est vrai que la grande majorité des citoyens est favorable à l’ENS et y voit l’opportunité d’améliorer le suivi et la prise en charge des patients, des craintes demeurent autour de ce dispositif. À peine lancé, Mon Espace Santé soulève en effet de nombreuses interrogations.
Les données sont-elles suffisamment protégées ? La vie privée des patients ne risque-t-elle pas d’être exposée de manière disproportionnée ? Qu’en est-il des personnes n’ayant pas accès à internet ?
Les réticences du Syndicat de la Médecine Générale
Le Syndicat de la Médecine Générale (SMG) ne cache pas son opposition à la mise en place de l’Espace de Santé Numérique, qu’il considère comme « un passage en force du Gouvernement et une négation des principes démocratiques ».
Le SMG pointe notamment du doigt le concept d’Opt-out pour l’ouverture de l’espace de santé : le consentement est donné automatiquement, sauf si la personne formule une opposition dans les 6 semaines suivant la réception de la notification. Selon le Syndicat, cette automaticité rompt le principe fondamental du consentement libre et éclairé en vertu duquel le consentement doit être donné sans pression ni contrainte et en toute connaissance de cause. Il regrette ainsi que le consentement ne soit pas exigé avant la création du dossier numérique.
La protection des données médicales au cœur des préoccupations
Le Gouvernement assure que le Ministère de la Santé et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) s’engagent à garantir la protection, la confidentialité et la sécurité de l’ensemble des données personnelles contenues sur l’espace de santé numérique. Il est, par ailleurs, précisé que les données sont hébergées par deux sociétés sous-traitantes, certifiées Hébergeur de Données de Santé (HDS), en application de l’article L. 1111-8 du Code de la santé publique.
Medifil avait soulevé en détails, cette problématique dans un article publié il y a quelques mois, que vous pourrez retrouver ici.
Malgré tout, le sondage OpinionWay révèle qu’une partie de la population s’inquiète du manque de protection et de sécurisation des données (ordonnances, traitements, résultats d’analyse, antécédents médicaux…). Ces inquiétudes concernent notamment le stockage de celles-ci et leur transmission hors du champ médical. Les usagers du système de santé craignent en effet les risques de piratage d’informations (cyberattaques) ou encore l’utilisation de leurs données par des personnes malveillantes.
Par ailleurs, les personnes transgenres redoutent de faire face à de la transphobie dans le cadre de leur accès aux soins et de voir révéler, contre leur gré, leur statut à des professionnels de santé non formés ou non informés. Ils regrettent de ne pas pouvoir conserver la confidentialité de certains actes médicaux en raison du caractère sensible de certaines informations et des risques de discrimination ou de violences médicales qui peuvent en résulter.
Une grande partie des Français appelle ainsi à la mise en place de garde-fous, tels que l’instauration du droit de choisir qui aura accès aux données médicales et à la mise en place d’un code d’accès temporaire.
Des inquiétudes autour du risque d’exclusion de certains usagers du système de santé
Si l’Espace de Santé Numérique est destiné à faciliter les démarches des usagers, certains alertent sur le risque d’accentuation de la fracture numérique. En effet, une partie des Français dit craindre l’exclusion des personnes non familières avec la technologie ou encore des personnes faisant face à des difficultés, voire à l’impossibilité, d’accéder à internet. Tel pourrait être le cas des personnes âgées, des personnes vivant en milieu rural, des plus démunis, des personnes handicapées ou encore des migrants.
En conclusion, si la majorité des usagers s’accorde à qualifier l’ENS de dispositif efficace et pertinent, des questionnements et des craintes subsistent.
À ce titre, pour rassurer les usagers français, il est attendu que l’ENS prenne en considération dans son développement les éléments précités et mette en œuvre les deux axes suivants :
- S’accompagner de garanties en termes de sécurisation et de protection des données : garde-fous permettant au patient de garder le contrôle sur l’utilisation de ses données, anonymisation des données, stockage et transmission sécurisés, etc. ;
- Veiller à ne pas exclure d’usager du système de santé : mise en place de solutions alternatives pour les personnes peu digitalisées.
Le 18 février dernier, l’Assurance Maladie a alerté les utilisateurs de Mon Espace Santé sur des appels et messages frauduleux. « Ces appels assurent vouloir aider à la création de Mon Espace Santé et demandent à renseigner les identifiants France Connect pour accéder au service numérique ». Or, Mon Espace Santé n’est pas encore compatible avec France Connect, il s’agit par conséquent, d’une tentative d’escroquerie ni plus ni moins, contre laquelle l’Assurance Maladie nous met en garde !
MEDIFIL est heureuse de vous tenir informés quant à la mise en place et l’actualité du dispositif « Mon Espace Santé ». Nous vous accompagnons afin de vous aider à mieux comprendre le fonctionnement et les enjeux de l’Espace Numérique de Santé.
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